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Splaoutch !
1 août 2018

01 !

« A part ça, vous avez un métier ? » Prospecteur placier. A.N.P.E 1983

 

En 1979, j'entre au conservatoire, dans la classe d'art dramatique... Par hasard mais pas seulement... Non, non, je n’ai pas eu de révélation. Je ne me suis pas réveillé en pleine nuit, tremblant de sueur, en me disant : « C’est ça ! C’est ça que je veux faire !!! Je veux être comédien !!! Tout comme le vent et les arbres de la forêt ne m’ont pas donné le souffle de l’inspiration divine en me promenant comme un poète égaré ou désemparé grâce à un chagrin d’amour impossible parce que c’est beaucoup plus beau et plus romantique. Non, non, non...

Toute cette histoire commence en 1977. Je marche simplement sur le trottoir de la ville, mon B.E.P.C (aujourd’hui, Brevet des collèges) en poche. Quand, tout à coup, mon copain devient tout rouge. Lui aussi marche sur le trottoir de la ville à mes côtés avec son B.E.P.C dans la poche, et, en face de nous, une fille marche également sur le trottoir de la ville. Elle vient à notre rencontre, par hasard certainement. Va-t-elle chercher son B.E.P.C où l’a-t-elle déjà en poche ? Je ne m’en souviens pas. Pas de quoi devenir écarlate. Mon pote connait la donzelle. Je comprends, du coup, sa couleur. Pas qu’il soit timide, il est roux et les rouquins : ça rougit. Sais pas pourquoi. Bon, on n’a pas marché sur le trottoir d’une autre ville ni sur celui d’en face : trop tard. Nous nous arrêtons devant la demoiselle.

-      « Oh ! Je fais de l’art dramatique, (c’est quoi ça : de l’art dramatique, me dis-je ?) du théâtre (aaaahhh….) », qu’elle nous dit après nous avoir dit bonjour et dit encore quelques autres trucs, « Je suis au conservatoire. On manque de mecs ! (donc, il y a plein de filles en déduis-je.) Vous ne voudriez pas venir ? »

Voilà ma révélation ! Original, non ? Je connaissais bien le théâtre. Je ne manquais jamais « Au théâtre ce soir » à la télévision.

Deux mois plus tard, dans mon lycée technique, nous sommes 300 mecs... Et 4 filles ! Quel ennui. Quelle concurrence ! Pourquoi ai-je atterri dans un lycée technique ? Mystère... Je voulais faire de l’électronique, à l’époque. Bricoler des amplis pour « incendier » tout le quartier à grands coups de décibels. Mais avant de faire ça, il faut montrer patte blanche. Se taper un an de mécanique : tournage, fraisage, rabotage, etc… Pendant mes longues heures de solitude, devant d’énormes machines, je regarde avec envie les salles remplies de transistors et de condensateurs réservées aux premières et aux terminales. Je n’y mettrai jamais les pieds. J'ai horreur de la mécanique, du suif et des machines monstres prêtes à te broyer les doigts. Par la suite, j’ai redoublé, triplé pour finalement atterrir dans un lycée à vocation commerciale et tertiaire…

C’en était trop ! Je me suis souvenu de cette fille sur le trottoir. J’ai donc poussé la porte du conservatoire.

J’ai fait trois tentatives. La première, c’était un soir. J’y suis resté une heure. Mon pote tout rouge, lui, s’est incrusté. Effectivement, il y avait des filles. J’ai eu peur : je suis timide. Je n’avais que 15 ans…

La deuxième, un an plus tard, restera un souvenir statue. Du socle de mes 16 ans, je me suis débattu avec un texte de Musset jusqu’à ce que le professeur me cimente avec des : « Tu fais du sport ? », « Tu as des copains ? », (………. ?), « Va faire du sport... Retourne avec tes copains… ». Il est vrai que je ressemblais à un « piquet tout droit » sur le plateau avec, en plus, un accent de région qui aurait fait hurler Alfred.

Je suis donc allé faire du sport.

Sais pas pourquoi j’ai fait une troisième tentative. Deux années ont passées. Toujours avec Musset sous le bras. Cette fois, le professeur m’accueille. Elle ne me parle plus de sport, et prépare même avec moi mon concours d’entrée, que je réussis. Je passe 3 années dans ce conservatoire. J'aimais bien les spectacles que l’on montait fin juin pour clôturer l’année et assurer le passage dans la « classe supérieure » (même si nous avions toujours le même professeur) parce qu'après, on faisait la fête tous ensemble. En 1983, j’obtiens un 1er prix d’art dramatique. Soirée mémorable qui se termina au bout de la nuit, à la terrasse d’un restaurant. Mon pote tout rouge était devenu vert ! A l’époque, je n’avais pas compris pourquoi.

« Ce n’est pas ça qui te donnera du boulot ! » m’avait-il dit. « Ça !», c’était mon premier prix qu’il désignait ainsi.

1er prix d'art dramatique, je m'en étais pas mal tiré... Pour quelqu'un à qui l'on avait conseillé d'aller faire du sport. Eh ben, je me suis cultivé et rien que pour cela je remercie ce professeur qui m’avait appris à lire le théâtre et qui avait eu l’humilité, ce soir-là, de s’excuser de m’avoir si brutalement renvoyé 3 ans plus tôt. J’avais 21 ans et elle, en avait plus de soixante…

Cependant mes études d'art dramatique ne se sont pas passées vraiment tranquilles. Ben non, cela aurait été trop simple. J'ai commencé à travailler dans des compagnies à partir de 1982, alors que j’étais encore élève de la classe d’Art Dramatique. Ma première compagnie était… enfin… c’était celle de mon pote tout rouge. Il en était le « chef » ! J’ai débuté en jouant des textes de William Shakespeare ! Une bonne école. Un montage de textes, de scènes choisies. La troupe issue de la promotion précédant la mienne au conservatoire avait besoin d'un comédien pour faire le narrateur entre les scènes. Pas très gratifiant mais je suis là ! Puis, l'un des comédiens de ladite troupe réussit son concours d’entrée au conservatoire de Paris. Evidemment, il nous quitte. Je le remplace dans ses scènes après bien des négociations. Ben oui, débuter avec du Shakespeare, il faut convaincre. C'est une autre comédienne qui fera la narratrice désormais.

Et nous irons jouer en Angleterre, à l'université de Bradford. Jouer Shakespeare en Angleterre et en Français, voilà un « exploit » qui me fait encore sourire aujourd'hui. Nous avions 20 ans à cette époque. Quand j’y pense, jouer Othello à 20 ans, blanc comme un comprimé d’aspirine en prime ! Il fallait oser… Aaaah, l’insouciance de la jeunesse. Mais, sans elle, je n’aurais pas vécu cette expérience. Je me souviens des rues de Bradford envahies par les oiseaux, des milliers d’oiseaux. Une atmosphère à la Hitchcock ! Une belle angoisse, quand même. A l’Hôtel de ville, nous sommes reçus par Madame la Maire. Nous apprenons par la suite qu'elle est également arbitre au tournoi de tennis de Wimbledon. Ça ne s’invente pas.

De retour en France en cette fin d'année 82, nous montons une pièce de Georges Feydeau avec une tournée dans les clubs et hospices du troisième âge de la ville, une volonté municipale. Un contrat qui rapportait un peu d’argent. Moins marrant.

1983, la troupe a le vent en poupe. Nous gérons le théâtre municipal.  Projet culturel, promesses avant les élections. Nous montons un classique Italien du XVIème siècle. Un gros pari… Trop gros pari. Une dizaine de comédiens, 2 décors, une régie conséquente. Nous avions sélectionné les comédiens sur audition. La seule fois de ma vie où j’ai fait parti d’un jury. Ça fait drôle parce que certaines personnes, ce jour-là, en face de moi avait deux fois mon âge. Je me rends compte, à cette occasion, un peu de ce que peut-être le pouvoir.

 Je joue deux rôles dans la pièce. Les répétitions sont pénibles. Je mène de front mes études au conservatoire. De plus, nous faisons, mon copain tout rouge et moi-même, n’importe quoi au niveau trésorerie : des indemnités versées sans déclarations (si nous avions dû déclarer des salaires, la pauvre subvention municipale n’aurait pas suffit à l’appointement. Donc, pas de spectacle possible donc hommes politiques pas contents. Nous y sommes allés quand même ! Allez hop ! Sans déclarations. C’était sans compter la bienveillance de certains des comédiens de la distribution. L’un d’entre eux nous a signalé aux autorités fiscales. Et ils étaient peut-être plusieurs. Je ne le saurai jamais). Nous nous en sortons tout de même avec un simple courrier aux administrations compétentes. Le président de l’association qui gérait la compagnie à l’époque était une fine plume en ce qui concerne les courriers administratifs. Mais bon, je l’ai vu, malgré tout, trembler lui aussi. Il ne rigolait pas. Bien qu’ayant signé les chèques, je n’étais pas inquiet. L’insouciance de la jeunesse. Mais, à l’époque, c’était plus cool.

Puis, la tête de mon pote tout rouge commence à enfler et je ne me sens pas bien

Nous sommes engagés tous les deux pour une pièce de café-théâtre, par l'auteur de ladite pièce, en juillet. J'ai aimé. J'en garde un bon souvenir. Un peu plus tard, ledit auteur et mon pote tout rouge remonteront cette pièce tous les deux, dans leur coin, bien évidemment sans m'en avertir. La première trahison, ça fait quelque chose. Ici, la valeur artistique n’est absolument pas mise en cause. Il ne s’agit que d’une opération de relations publiques et de cocktails arrosés. Je n’ai jamais su faire des courbettes avec des coupes de champagne dans les mains. A chaque fois, je perds l'équilibre. Et je ne saurai jamais… Je suis jeune, je me relève.

1984, les promesses électorales tombent à l'eau. Les élections sont passées par là. L'équipe municipale vire de bord et nous nous retrouvons tout bonnement à la rue. C’est un épisode que je vivrai plusieurs fois dans ma carrière. La politique se joue de la Culture. Nous montons de nouveau un Vaudeville, cette fois-ci, d’un auteur différent. Encore les foyers troisième âge. Il y a une ambiance de réchauffé et de fin de règne.

En 1984, mon pote tout rouge veut engager Jean Louis Trintignant (sic) pour jouer dans l'adaptation d'un roman policier que j'ai écrite avec A... Comment peut-il s’imaginer qu’une petite troupe provinciale sans le sou puisse subvenir aux besoins et désirs (caprices ? Pour J.L Trintignant, je sais pas...) d’une vedette de cinéma ? Je me pose encore la question aujourd’hui.

Là, c'en est trop, je pars. Monsieur Trintignant ne viendra pas, bien évidemment...

1985, cette année-là je pars au service militaire. Eh oui, je n'ai pas réussi à jouer les « débiles » aux 3 jours. Bien que ce soit une pratique courante chez les artistes, je ne sais pas jouer la comédie dans la vie. Je passe donc douze mois dans une caserne. C’est la première fois que j’ai affaire à une bande de sadiques pervers, totalitaires et bêtes. J'ai le malheur de leur dire que je suis comédien dans le civil. La réputation de ce métier est tenace : nous sommes instantanément étiquetés fainéants, homosexuels ou hétéro/partouzeurs et j’en passe. Chez les hommes d’armes, ça ne pardonne pas. Pendant un an, ils s'évertueront à me faire goûter toutes les "joies" du trouffion. Je fais parti de toutes les manœuvres du régiment sans exception, été comme hiver. Je tire à toutes les armes possibles et imaginables. Du pistolet 9mm à l'obus de 30 en passant par la grenade la mitraillette et le fusil d’assaut. Moi qui ai horreur des armes à feu. Bien sûr, je rate toutes les cibles. Sur la fin, je le fais exprès. Cela fait hurler le Maréchal des logis chef. Tant pis pour lui, il est vraiment trop bête. Là-bas, c’est simple : il y a les bons et les méchants. Les méchants Soviétiques et les bons Américains. C’est tout simple, c’est comme ça, à cette époque, que l’on endoctrine la jeunesse du pays. Comme dans un western : les bons blancs et les méchants « indiens ». Avec la notion d’obéissance absolue : marche ou crève on s’en fout ! Ça me rappelle quelque chose. De quoi bondir. J'en ressors, 12 mois plus tard, vidé. Mes cauchemars s'alimenteront de ce cadre et de ces tristes sires pendant plus de 10 ans.

En 1986, les Conservatoires Nationaux supérieurs fleurissent un peu partout en Province. Une idée des Socialistes fraîchement au pouvoir. Sorti de mes obligations envers la nation, je tente le concours d’entrée dans l’un d’eux et obtiens le sésame. J’y reste un an. Ce sont mes premiers contacts avec la bourgeoisie intellectuelle pseudo-catholique.

Je retiens une ambiance de suffisance, de complaisance, le droit d’obtenir le culot de critiquer le monde ouvertement sans vergogne parce que l’on vous octroie le statut d’artiste. Que l’on vous fait comprendre que vous êtes « supérieurs ». Vous êtes, donc, les empereurs du quartier, les Jules César du pâté de maisons, les stars du café de la poste et les "clowns" de la profession !

Voilà, je survole rapidement mes années d’études. Là n’est pas le plus important.

A suivre...

Ne pas dupliquer ou reproduire par quelque manière que ce soit. Texte déposé et protégé par les Lois Françaises en vigueur sur les droits d'auteur.

 

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